24 octobre 2006

Howling wolves



Sydney juin 2006
Arpenter les Rocks de long en large, tel était mon objectif par cette agréable soirée de fin mai où l'hiver austral, ici s'installait doucement. Les feuilles des arbres commençaient leur lente mutation, revêtant des teintes ocre et rouille ; un couchant magnifique arrosait la baie de Sydney d'une lumière douce orangée qui se reflétait sur les visages et le paysage urbain.
Quartier historique du port de Sydney, situé sur un périmètre s'étendant de Circular Quay jusqu'au fameux Harbour Bridge, jouxtant Darling Harbour, pile en face de l'énorme coquillage plus communément nommé l'Opera house.
Principalement composés de bâtiments en briques rouges, anciens entrepôts, boardind houses réhabilités tantôt en centres culturels, galeries, cafés, restaurants, tantôt en lofts qui s'arrachent aujourd'hui à prix d'or !
Ce fut l'un des premiers endroits de la baie de Sydney, ville en devenir, dont le sol fut foulé par les nouveaux arrivants.
Ce quartier a gardé une atmosphère particulière, un charme certain, malgré une forte connotation touristique.
Je m'aventurai donc dans ce dédale de ruelles, gravissant les nombreux escaliers qui me permettaient de surplomber le port. De temps à autre, un morceau de rocher surgissait du sol pour mieux me rappeler son origine. C'est bien d'un rocher dont il s'agissait.
Attiré par une enseigne représentant la queue d'une baleine, au titre évocateur, the Sailor Thaï, situé au 106 George Street en face du pub the Observer, je finis par atterrir dans un restaurant à la déco moderne : grande table métallique traversant l'unique salle délimitée par un bar d'où les cuisiniers thaïlandais composent sur leur piano des recettes qui émerveillent les palais toujours en quête de plaisirs nouveaux.
L'avantage de cette disposition était de se retrouver à côté de personnes que l'on ne connaissait pas. La conversation ne tarda pas à s'enclencher, Good day, How are you ? Fine, Thank you, Where do you come from ? Where about in France ?
La simplicité des rapports humains ici, m'émerveilla, easy going, tout était tellement plus simple.
A ma gauche deux business men parlaient du travail en buvant un verre ; à ma droite deux jeunes femmes, une blonde,une brune, que j'imaginais travailler dans un des buildings environnants, dînaient en se racontant leurs histoires respectives...
Arriva ce moment fatidique de la question du vin : lequel choisir ?
Aucun des vins proposés sur la carte ne se trouvait référencé dans ma modeste encyclopédie œnologique, je décidai donc de m'en référer au serveur, red red wine of course, "Mouth filling with rich blackberry and raspberry fruit. Lively yet beautifully balanced with lingering sweet fruit and soft drying tannins", what 's the name of this wine ?
"Howling wolves", les loups hurlants. Je restai interloqué un moment, les loups hurlants, mais pourquoi diable ce nom ?
Le serveur thaï m'apporta un grand verre à pied de ce Shiraz 1994 : une robe absolument magnifique, reflets rubis, c'était donc dans les règles de l'art que je m'apprêtai à découvrir ce nectar, suivant un rituel extrêmement précis, longuement répété lors des séances de dégustations des "Pichets Capitaux", célèbre club de dégustation dont la devise est "Je boirai du lait lorsque les vaches mangeront du raisin“ !
“Au nez", ce Shiraz était prometteur : arômes puissants, notes de fruits rouges... Je me lançai donc avec une première gorgée de vin, en utilisant le procédé de rétro-olfaction pour mieux faire s'entrechoquer les notes aromatiques.
Vin de caractère, très très tannique, long en bouche et j'arrêterai là ma description, partant du principe qu'il est parfois impossible de décrire ce plaisir solitaire, qui peut cependant se partager en bonne compagnie.
Après un verre, l'irrésistible envie d'en goûter un deuxième me vint. Les 15° commençaient à m'entraîner vers ces territoires aux contours incertains mais plutôt agréables, aouououh... aouououh...
Etais-je en train de me transformer en loup garou ?
Sur la bouteille, quatre griffes venaient entailler l'étiquette d'un rouge sang, il ne devait pas faire bon à traîner du côté de Margaret River. Après avoir rallumé quelques étoiles dans le ciel dégagé, je repris la direction du bed & breakfast, en m'apercevant que ce soir-là, heureusement, la lune n'était pas encore pleine...